UN VERRE AVEC ADRIANO FARANO, JOURNALISTE ET BOULANGER

Adriano Farano nous parle de sa boulangerie Pane Vivo, un pain qui fait du bien, bon pour la santé et la planète

Depuis plus de 10 000 ans, le pain fait partie de notre vie quotidienne. Pourtant Adriano Farano dresse un constat : plus les années passent, plus l’industrie de la farine (sur)transforme le blé pour finalement le rendre indigeste, avec un indice glycémique beaucoup trop élevé. De journaliste à boulanger, Adriano Farano nous raconte son parcours et sa démarche derrière Pane Vivo, le pain qui fait du bien.

 

Bonjour Adriano. Est-ce que tu pourrais te présenter en une phrase ?

 

Oui. Je m'appelle Adriano Farano et je suis le créateur de Pane Vivo. J'ai commencé à faire du pain un peu par hasard et puis, j'ai remarqué que plein de gens avaient un problème lié au pain, autant pour des raisons de digestion, que pour des raisons d'index glycémique. Donc, j'ai décidé de me reconvertir ! Je suis passé du journalisme à la boulangerie, mais je continue aujourd'hui d'informer autant que j'enfourne ce pain qui fait du bien.


Génial ! Est-ce que tu peux nous expliquer toute la démarche qu'il y a derrière Pane Vivo ?

Déjà, le constat : un pain complet normal va moins te rassasier que le Coca Cola ! Forcément, il y a un problème... L’indice glycémique du pain complet normal (la baguette, n'en parlons même pas !), va être supérieur à celui du Coca Cola ! Le deuxième problème, c'est le gluten de ce blé que nous utilisons aujourd'hui. Ce blé moderne va être foncièrement indigeste, non seulement pour les personnes qui ressentent ce problème de digestion du gluten, mais également pour les autres. Plein d'études qui démontrent que nous avons tous de plus en plus de problèmes de digestion. Et troisièmement, le pain aujourd'hui, c'est devenu des calories vides, c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins d'oligo-éléments, de fibres alimentaires. En bref, le pain de nos aïeuls, qui était censé nourrir et rassasier, est aujourd’hui devenu un poison, quelque chose qui est même très délétère pour le corps humain ! Quand on mange des aliments à l’indice glycémique faible, avec des problèmes de digestion, on peut souffrir d’inflammations intestinales. Ce n'est pas que le microbiote qui souffre, ce ne sont pas juste les voies sanguines qui sont bourrés de sucre, c'est l'organisme tout entier qui est menacé ! Sur un aliment aussi important que le pain, il ne devrait pas y avoir ces problèmes. Notre démarche est donc autant gustative que scientifique pour pouvoir proposer un pain qui nous fasse du bien !

 

 

C'est incroyable. Et du coup, si tu devais résumer cette démarche en une phrase ?

 

En une phrase, l'idée est vraiment de proposer un pain qui fait du bien ! Du bien aux papilles, parce que ça, c'est fondamental pour la gastronomie, du bien à la santé humaine et puis qui fasse du bien à l'environnement, à la biodiversité, notamment grâce à une ancienne variété de blé que nous avons pu récupérer.

 

 

Le pain est un aliment central de notre alimentation. Est-ce qu'il y a des bienfaits à un pain Pane Vivo ?

 

Oui ! Nous avons adopté une démarche scientifique. Déjà, pour choisir le blé, nous avons testé in vitro le gluten de 35 variétés de blé pour pouvoir choisir, in fine, la variété dont le gluten allait le plus facilement se dégrader. En termes de bienfaits, le gluten, à partir du moment où il se dégrade, pour la grande majorité des personnes, sauf les malades cœliaques, il n'y a aucun problème. Au contraire ! Le gluten va libérer les protéines. On en a tous besoin, surtout dans un monde où on essaie de manger de moins en moins de protéines carnées. Un pain comme celui de Pane Vivo, aura des bienfaits nutritionnels, mais également des bienfaits pour l'environnement, parce qu’il représente une source de protéines végétales de très grande qualité.

 

 

On reconnaît le travail de journaliste. D’ailleurs, de journaliste à boulanger, qu'est- ce qui fait que tu as changé comme ça de métier ?

 

J’ai ressenti un sentiment d’urgence : avant même qu'elle soit nutritionnelle, une urgence culturelle. Je crois profondément que dès lors que le pain, qui est la base de notre alimentation, s'écroule, tout s'écroule. Et on ne peut pas abandonner cet aliment à la merci de l'industrialisation. Aujourd'hui, même les boulangeries artisanales posent problème. Elles sont dites artisanales parce que le pain est fait sur place, mais en fait, ce n'est pas que la pointe d'un iceberg beaucoup plus grand. C’est ce que j'appelle le conglomérat agro-boulanger, qui est très bien structuré, y compris d'un point de vue marketing, pour vous faire croire que puisque c'est fait sur place, c'est artisanal. Très bien qu'il soit fait sur place, mais on peut très bien fabriquer du poison sur place ! Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que les boulangers reçoivent des sacs de farine dont ils ne connaissent même pas la variété de blé. C'est comme si tu demandais à ton caviste : « Quel est le cépage de ce vin ? » et que le caviste soit incapable de te répondre. Aujourd'hui, c'est le cas de 99 % des boulangers. Ils ne le savent pas. Normal, car ce n'est même pas écrit sur le sac de farine ! Pourquoi ce n'est pas écrit sur le sac de farine ? Parce que ça change tout le temps et tous les ans, on va chercher des variétés modernes de plus en plus trafiquées génétiquement pour augmenter les rendements, mais qui, in fine, vont avoir un impact délétère sur l'environnement et un impact délétère aussi sur notre santé.

 

 

Comment est- ce que tu fais au quotidien pour allier plaisir, gourmandise et bien- être ?

 

Le bien- être, finalement, est un reflet aussi du plaisir gustatif, mais du vrai, quand on va redécouvrir des goûts et des parfums qui vont être bruts, d'ingrédients ancestraux très peu transformés. Quand vous faites ça, en règle générale, vous allez forcément devoir utiliser des produits qui viennent de la terre, donc des variétés anciennes. C'est le cas pour le pain, c'est le cas pour l'huile d'olive, par exemple. En général, quand on fait du bien à la planète, finalement, on se fait aussi du bien à nous, d'un point de vue gustatif. Ça ne va pas être le goût trop salé, trop sucré de ce qu'on mange aujourd'hui. Ça va être un goût plus subtil. Dans notre pain, je mets 30 à 40% de moins de sel. Le blé va vous laisser une empreinte gravée sur vos papilles.

 

 

Pane Vivo, c'est une super aventure. Est- ce que tu as des freins aujourd'hui ? Est-ce que tu as l'impression de bouleverser un peu les habitudes ou finalement, est-ce qu'il y a une réception très facile ?

 

La réception n'est jamais facile quand on parle d'un aliment de base et pour lequel il existe des codes de consommation, d'achat, de présentation qu’on bouleverse. Les gens sont habitués dans une boulangerie à trouver des croissants, des pains au chocolat, un Coca, la formule qui est pire qu'un Big Mac avec un sandwich plein de beurre, de mayonnaise infâme, des pâtisseries surgelées sur laquelle on met un peu de chantilly… On n'a pas ça, on n'a pas de baguette par exemple, on doit être une des rares dans Paris. On se heurte à des a priori, mais en même temps, il existe une partie de la population qui prône ces changements.

Heureusement, il n'est pas trop tard pour inverser la tendance parce qu'il existe encore la génération de nos grands-parents qui a connu ce pain. On n'est pas en train de parler de quelque chose de complètement loufoque. Nous sommes juste en train de dire qu'en fait, il faudrait récupérer d’anciennes variétés de blé, des pratiques anciennes de boulangerie comme la fermentation 100% levain naturel, qui n'a rien à voir avec la fermentation “au levain avec ajout de levure” qui représente la plupart des pains dit « au levain » d'aujourd'hui, ce qui est un énorme scandale… C'est difficile, mais on essaie de se raccrocher à un vécu qui est là et qui, en plus, est gravé dans notre histoire, qui est gravé dans notre culture. Le pain, ce n'est pas n'importe quel aliment !

 

 

Vos clients aujourd'hui, c'est ça ? Ce sont les personnes qui ont connu ce pain ?

 

Il y a un petit côté nostalgique pour certaines générations qui font partie de nos clients, bien sûr, mais je dirais que nous touchons principalement une clientèle d’actifs entre 30 et 50 ans !



Comment définis-tu chacune des recettes de pain ?

 

Nous avons la même recette pour tous les pains, mais ensuite certains pains vont être des pains nature et d'autres pains vont être des pains spéciaux auxquels on va rajouter des ingrédients particuliers, sur lesquels je me prends complètement la tête pour trouver vraiment les meilleures associations. Par exemple, on a un de mes pains préférés qui s'appelle le Livia, avec des olives de Sicile et le romarin du Cap Corse, qui est vraiment délicieux. Cette variété ancienne d'olives qui s'appelle la Nocellara, c'est une AOP de Sicile. On va récupérer les olives et l'huile chez le même producteur, en circuit court.

 

 

Le meilleur conseil qu’on t’ait donné ?

 

Je dirais de garder toujours le sourire et de toujours regarder le bon côté des choses. Dans la vie, on ne peut pas toujours décider. Et mieux vaut faire du bien aussi à notre cerveau, parce que l'inflammation, que ce soit soit intestinale ou cérébrale, en fait, commence même avec des petites choses. Il faut toujours relativiser, se dire « C'est pas grave, c'est pas moi qui décide, je continue mon chemin. » Mais ça m'a pris du temps.

 

 

Le meilleur conseil que tu donnerais ?

 

Déjà d’être optimiste, c'est universel, je dirais. Et puis de manger mon pain ! Je pense vraiment que ça peut vous faire du bien. Et puis, récemment, ce qui est super, c'est qu'on a été invités à un colloque médical sur la psychiatrie nutritionnelle. Notre pain contient 38% de plus de fibres alimentaires qu'un pain complet normal, c'est- à- dire que ton microbiote va être mieux nourri par les fibres. Quand on a un microbiote en bonne santé, à priori, on va avoir moins de risques de développer des pathologies mentales aussi, parce que l'intestin, c'est notre deuxième cerveau.

 

 

Pour l’apéro, qu’est-ce que tu nous conseilles ?

 

Une belle bruschetta, avec des bonnes tomates anciennes, un peu d'huile d'olive, un peu d'ail écrasé comme ça et un petit verre d'OSCO, c'est parfait.

 

 

Si on te propose un cocktail sans alcool, tu réponds quoi ?

 

Un cocktail sans alcool OSCO ! J’adore le verjus, il y a cette petite amertume, c'est super. Ce qui est génial et c’est là où on se rejoint, je pense, c'est vraiment sur les ingrédients bruts, les plus naturels possible, les moins transformés possible, pour finalement rééduquer le palais et vraiment se faire plaisir. On nous a dit pendant des années qu'il fallait manger le matin des croissants, des pains au chocolat, du jus d'orange, etc. Ce n'est pas par hasard aujourd'hui si la France a dépassé le nombre de personnes qui sont en surpoids. C'est incroyable et c'est une situation qui est insupportable. Et en plus, ce n’est pas bon. Les gens croient que c'est bon parce qu'ils sont habitués, mais c'est juste addictif. Il faut revenir au vrai parfum. Déjà, moi, je commence avec l’odorat. Je dis toujours aux clients, « humez le pain, sentez-le parce que vous pouvez le sentir autant que vous voulez ». Quand vous le mangez après, c'est trop tard.

 

 

Un endroit où tu aimerais partager un verre d’OSCO ?

 

Positano, sur la Côte Amalfitaine, une petite terrasse vue sur la mer. En général, je prends du limoncello, mais c'est vrai que c'est bien d'avoir un bon verre de d’OSCO aussi !

 

 

Si tout était possible, quelles seraient les 3 personnes avec qui tu aimerais prendre l'apéritif ?

 

Je dirais Oscar Wilde ; Sophie Marceau (en plus, c'est une cliente de Pane Vivo, mais je ne l'ai jamais vue !) et puis, l’acteur Massimo Troisi ! C'est un Napolitain, je viens de la même région et c'est un type exceptionnel, qui est malheureusement mort trop jeune et qui avait un humour un peu mélancolique, typiquement napolitain. Je ne l'ai jamais connu et je rêverais de le connaître.



Quel est l’ingrédient secret d’un apéro réussi ?

 

La compagnie. Le mot « compagnie », tu sais d'où ça vient ? « Cum pane », avec le pain. La compagnie, les copains, les compagnons, tous sont de la même origine. Être bien accompagné, ça veut dire avoir du bon pain et les bonnes personnes avec lesquelles le partager.

 

C'est fou à quel point le pain est important !

 

Il est gravé dans notre histoire et dans notre culture, le miroir de qui nous sommes en tant que société. Les choix qu'on fait, par exemple, au niveau de la filière du blé, au niveau des modes de transformation du blé en farine, déterminent finalement qui nous sommes. Je vous donne un exemple pas très réjouissant, mais j'en ai parlé dans une vidéo sur Instagram. Si vous prenez aujourd'hui le principal meunier de France, il va être également de facto le principal boulanger parce qu'il va donner des recettes de pain qui vont être reprises par la plupart des boulangeries. C'est aussi le principal pollueur : c'est la même société qui va être le leader de la farine, qui va être le leader du pain et qui va être le leader des produits phytosanitaires, c'est- à- dire les engrais et les pesticides. C'est la même société, le même groupe qui contient plusieurs sociétés différentes. Vous voyez l'importance du blé ? En plus, la France est le leader européen du blé et de la production de blé tendre, l'Italie du blé dur. On est deux pays qui ont un impact énorme à la fois sur la biodiversité, parce que malheureusement, aujourd'hui, on ne fait que les mauvais choix en privilégiant les variétés modernes de blé avec des rendements élevés, qui vont avoir un impact très néfaste sur la digestion et sur notre santé.

 

 

D’où vient le blé chez Pane Vivo ?

 

Le blé vient de Sicile. On a pris 35 variétés de blé ancien, on les a toutes mesurées au niveau du gluten et cette variété sicilienne était la meilleure. La Sicile a de nos jours plus de variétés anciennes cultivées que la France et l'Italie réunies. Donc, il y a une biodiversité incroyable !



Une adresse à découvrir ?

 

Le restaurant l’Hommage, dans le 13ᵉ, membre du Collège Culinaire de France, comme nous !



Quelles sont vos actualités ? Des nouveaux projets à venir ?

 

Nous sommes en train de travailler sur un nouveau projet de recherche sur le gluten, en partenariat avec l’école Agroparistech. Nous allons observer les manipulations sur le gluten de notre blé mais aussi d’autres variétés pour pouvoir aller encore plus loin dans l’étude de ce gluten, voir ses comportements. Une étudiante va écrire sa thèse sur le sujet ! Sur le versant de l’indice glycémique, nous avons complété une étude clinique, avec l’Université d’Avignon. Nous avons donné à des volontaires à jeun du pain Pane Vivo et effectué des prises de sang pour comprendre l’impact sur la glycémie. Notre pain était très très bas ce qui permet donc aux diabétiques d’en consommer.

 

 

Le mot de la fin ?

Dans notre tradition, le pain et le vin, ou une autre boisson, est un duo gagnant ! Manger et boire des bonnes choses avec des bons ingrédients… Qu’est-ce qu’il y a de plus merveilleux à partir du moment où on est en bonne compagnie !



Où suivre Adriano Farano : juste ici

 

Pane Vivo est disponible dans ses 5 boutiques parisiennes mais également par abonnement avec la livraison gratuite en France !

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